Une lumière soudaine dissipe l'obscurité. Pernell Arai ouvre les yeux et se retrouve dans un centre médical lumineux et stérile.
"Vous voilà, M. Arai."
"Où suis-je ?"
"Tout va bien. Vous êtes à Orison. On dirait que votre régénération a réussi. Comment vous sentez-vous ?
Pernell respire profondément puis remue ses doigts et ses orteils. "Un peu endolori. Qu'est-ce qui m'est arrivé ?
"J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous aider. Vous avez subi une blessure traumatique, mais je ne pense pas qu'il y ait de séquelles, vous avez beaucoup de la chance. Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?"
Les souvenirs de Parnell remontent à la surface. Il danse avec Sergie. Il est sur une plage à Cassel, se prélassant à la lueur des étoiles binaires de Goss. Il y’a un enfant qui s'efforce de tenir un pistolet pour tirer sur des boîtes de conserve dans un bâtiment abandonné à la périphérie d'Archibald Station.
"Votre activité cérébrale a l'air normale, au moins", dit le médecin en naviguant sur les écrans de son datapad.
"Désolé, je me souviens de choses. C'est juste trop de choses à la fois."
"Tout va bien. Je vous le demande parce que votre dernière empreinte remonte à un certain temps. Si vous ne vous imprégnez pas fréquemment, votre mémoire à court terme peut être un peu floue. Vous le savez, n'est-ce pas, M. Arai... M. Arai ?"
Pernell quitte des yeux la fenêtre avec la vue imprenable d’Orison pour revenir au docteur, puis il hoche la tête d'un air entendu. "Désolé, je suis encore en train d’émerger."
"Totalement compréhensible. Eh bien, tous vos signes vitaux semblent bons, donc vous êtes libre de partir. Évidemment, prenez un peu de temps pour vous, et peut-être imprégnez-vous un peu plus fréquemment. Ça rendra les choses plus faciles la prochaine fois."
Pernell remercie le médecin puis quitte l'hôpital, hébété, en portant les vêtements qui lui ont été fournis. Le vent fouette la plate-forme du Centre Cloudview et le saisi de froid à travers le tissu fin. Pourtant, il s'arrête pour admirer le coucher de soleil qui répand des couleurs vives dans le ciel. Il se penche même légèrement sur la balustrade pour admirer les nuages en contrebas. Une soudaine poussée de vertige l'envahit. Pernell recule d'un pas rapide et se demande si c'est comme ça qu'il est mort, comme un idiot, en tombant d'une plateforme d'Orison.
Il s'assied sur un banc à proximité et ferme les yeux. Aucun souvenir récent ne lui revient. Finalement, Pernell se lève et traverse la plate-forme en sachant très bien que les choses auraient être pires. Au moins, il se souvient de l'emplacement de son hab.
***
De retour à son appartement du Green Circle, Pernell ouvre un placard pour se changer. Pendant une seconde, il se fige en constatant que son casque préféré a disparu. Bien sûr, il devait le portait quand... Il marque une nouvelle pause, espérant que quelque chose lui revienne, mais rien ne se passe. Au lieu de cela, il se souvient qu'il avait cessé de suivre une cible dans les ruelles de Fujin City pour acheter le casque à une échoppe. Quelque chose à propos de ce casque lui convenait et il l'avait bien servi, le gardant en sécurité. Enfin, jusqu'à maintenant. Ce n'est que plus tard qu'il a découvert qu'il s'agissait d'un des premiers casques Conversion de chez CC et donc extrêmement rare. Un casque qui avait une grande valeur pour lui à bien des égards, et qui a peut-être disparu à jamais.
Pernell ouvre son mobi et fait défiler son inventaire. Son cœur se serre quand il voit ce qui manque. Ça devait être une grosse opération s'il a pris autant de choses. Il y a encore suffisamment de matériel en stock, mais il se sent tellement déconnecté de cette collection de bric et de broc qu'il a l'impression de fouiller dans les affaires de quelqu'un d'autre. Il ne se souvenais pas de la dernière fois où il avait porté la plupart de ces affaires. Repoussant la sourde sensation de perte qui l’envahissait, Pernell prend sa combinaison de secours et y enfonce sa jambe droite, en espérant qu'elle lui allait encore.
***
En survolant la surface, Pernell ne tarde pas à repérer les installations du bunker. Il décélère et ajuste la trajectoire du vaisseau pour garder ses distances, incapable de faire suffisamment confiance à sa mémoire pour savoir si l'endroit a des défenses ou non. Tout cela lui semble vaguement familier, et plus il tourne autour, plus il a l'impression d'être déjà venu ici. S'il devait en faire le pari, c'est ici qu'il était mort.
Pernell avait retrouvé cet endroit après avoir vérifié l'historique de ses emplois récents sur son mG. Son dernier boulot l'avait amené dans ce bunker, ce qui explique pourquoi il lui manquait autant d’équipement. Normalement, il aurait fait appel à une, voire deux personnes pour une telle mission, mais depuis qu'il était arrivé sur Crusader, il avait pris l’habitude de faire seul ce genre de job. Au début, c'était par nécessité, puisqu'il ne connaissait personne, mais au fur et à mesure que sa confiance grandissait et que les crédits affluaient grâce au fait qu'il pouvait garder cent pour cent de la somme versée, il s'était vite retrouvé à sélectionner spécifiquement sur son mobi ce type de missions. De plus, même si Pernell était honnête, il aimait l'excitation qu’il éprouvait d'affronter à lui tout seul un repère de hors-la-loi.
Maintenant qu'il était quasi sur le seuil du bunker où il avait perdu sa vie précédente, Pernell se demandait s'il est sage d’y retourner. Il était déjà désavantagé par son équipement d'occasion, alors qu'un connard dans le bunker s'apprêtait probablement à lui tirer dessus avec les armes soigneusement calibrées qu'ils ont sans doute récupérées sur son corps.
En ralentissant, il repère une tourelle et la sélectionne. Le missile se verrouille et il s’apprête à tirer. À sa grande surprise, la tourelle ne réagie pas. Il retire son doigt de la gâchette et sélectionne le bunker. Comme la tourelle ne bouge toujours pas, il fait demi-tour pour atterrir sans incident, heureux de n'avoir pas eu besoin d’utiliser de munitions pour se poser près de l'entrée.
Il sort du vaisseau, vérifie rapidement son équipement peu familier, et se précipite vers le bunker. Les portes extérieures sont déjà percées et légèrement ouvertes, laissant entrevoir l'ascenseur à l'intérieur. Il dégaine son pistolet, un Arclight II presque neuf, et entre prudemment. Quelques pas plus loin, une grêle de balles frappe son vaisseau. Pernell se retourne sur lui-même pour voir que la tourelle voisine est maintenant très active. Les boucliers de son vaisseau s’illuminent un instant avant de s'éteindre, et il a à peine le temps de détourner les yeux qu'une explosion projette des débris de vaisseau sur la plate-forme d'atterrissage. Le travail est fait, la tourelle retourne au repos. Pendant une seconde, Parnell se sent étourdi et se stabilise contre la porte. Ensuite, il prend une seconde pour réfléchir à sa prochaine action, ouvre son mobi et envoie une balise d'urgence. Puis il se reprend et entre dans l'ascenseur. Il faudra un certain temps pour que de l’aide arrive, et il ne veux pas avoir fait tout ce chemin et ne pas récupérer son casque.
Une fois à l'intérieur, Pernell a une impression de déjà vu. Il sait que beaucoup de bunkers préfabriqués autour de Crusader ont été construits selon le même modèle modulaire, mais celui-ci lui semble étrangement familier. Il se faufile rapidement et silencieusement, puis jette un coup d'œil et voit une grenade venir vers lui. Instinctivement, Pernell roule vers l'avant et s'abrite derrière une pile de caisses. L'explosion en fait tomber quelques-unes sur lui, qu'il repousse rapidement d'un coup de pied et commence à tirer. Une silhouette tombe et Pernell roule à travers la fumée tourbillonnante jusqu'à une nouvelle position. Il range son pistolet dans son étui, sort son fusil P4-AR, tire et regarde une autre personne tomber. Il pousse en avant, attirant le feu d'une autre position cachée. Pernell se faufile derrière une couverture jusqu'à ce qu'il soit sur le flanc du combattant restant. Il fait pivoter son fusil vers le haut et se concentre sur une ombre brumeuse dans les colonnes de fumée et appuie sur la gâchette jusqu'à ce que la silhouette tombe.
Pernell prend un moment pour laisser les choses se calmer. Ses oreilles bourdonnent encore à cause de l'explosion initiale de la grenade, mais le bunker est maintenant calme. Il se lève et se dirige vers la dernière personne qu'il a abattue. Son cœur se serre quand il voit ce qui reste de la forme distincte de son casque. Maintenant criblé de balles et modifié pour correspondre aux couleurs du gang. Quelque chose dans la vue de ces couleurs lui rappelle des souvenirs. Il regarde autour de lui et tout lui revient. Y compris le fait qu'ils étaient quatre la dernière fois. Pernell entend des bruits de pas derrière lui, et avant qu'il puisse lever son fusil, tout devient noir.
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