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[Drogue] La WiDoW



Sur une des lunes du système Stanton se trouve un avant-poste anodin que peu de gens connaissaient et avaient encore moins eu l’occasion de visiter. Du moins, c'était le cas jusqu'à ce qu'un bug fasse en sorte que l'installation de production automatisée vende ses produits à un prix dérisoire. Ceux qui le remarquèrent ont essayé de garder le secret pour eux, mais très vite la nouvelle s'est rapidement répandue dans les milieux underground du système. Bientôt, l'avant-poste, mieux connu sous le nom de "Jumptown", est devenu une zone de guerre où les hors-la-loi se battaient pour y avoir accès. Ces combats attirèrent suffisamment l'attention pour que le problème soit abordé lors d'une audience du Sénat consacrée à l'augmentation du taux de criminalité dans Stanton. Quel était donc le produit à prix très réduit, très cher à la revente et toujours demandé qui poussait les gens à se battre pour cette petite installation ? La WiDoW, un opioïde synthétique qui était devenu l'une des drogues récréatives les plus répandues dans l'UEE. C'est aussi l'une des plus dangereuses. Non seulement pour l'impact dévastateur et tragique qu'elle a sur ceux qui en deviennent dépendant, mais aussi pour tout ce que certains sont prêts à faire pour en tirer profit.

La WiDoW est un stupéfiant hautement transformé et illégal qui s’injecte directement dans le sang. Son nom évocateur provient de l'un des principaux effets secondaires en cas d’usage intensif : la consistance visqueuse de la drogue, d'un noir d'encre, peut tacher les veines de l'utilisateur, créant des motifs sous-cutanés en forme de toile. Substance de classe A dont la possession et la distribution sont illégales dans l'UEE, la WiDoW procure un sentiment d'euphorie extrême tout en soulageant la douleur et en combattant l'anxiété. Elle crée également une forte dépendance et endommage le corps humain. L'utilisation répétée peut entraîner non seulement les marques noires révélatrices, mais aussi des veines éclatées, diverses maladies du foie et des reins, des problèmes cardiaques, etc.

La grande disponibilité de la WiDoW est en partie due à sa production relativement facile, ce qui permet à tout le monde, des syndicats criminels multi-systèmes aux particuliers, de la fabriquer et de la vendre. Bien que le processus de production soit facilement reproductible, sa qualité peut varier considérablement en fonction de plusieurs facteurs, notamment celui des ingrédients, la propreté de l'équipement et les fluctuations de température pendant le traitement. Certains utilisateurs de longue date affirment même que le fait de ne pas connaître la qualité d'une dose fait partie du plaisir qu'ils éprouvent. Si la WiDoW que l'on trouve aujourd'hui est entièrement synthétique, la substance a des origines organiques ce qui lui a donné initialement une image d’une drogue de synthèse relativement sûre et extrêmement exclusive.



FLOWER POWER

La popularité de la WiDoW vient d’un mélange séduisant de faits et de fiction. Plusieurs détails sont bien établis tandis que d'autres se perdent dans les limbes de l'histoire, de demi-vérités à de la classification top secret. Son histoire commence avec la découverte du système Oso en 2861. L'atmosphère respirable et la biosphère luxuriante d'Oso II ont fait de la planète la cible principale des équipes de recherche gouvernementales. Pourtant, suite à la découverte des Osoiens, l'espèce en développement la plus avancée jamais rencontrée par l'UEE, Oso II fut placée sous la protection de la Fair Chance Act. Un verrouillage strict du système fut mis en place pour empêcher l'exploration approfondie de ses biomes luxuriants et variés. Cependant, une équipe de recherche qui explorait déjà la région tropicale avant le blocus a réussi à collecter une poignée d'échantillons uniques de plantes indigènes.

Les scientifiques ont officieusement baptisé l'une de ces plantes récoltées "spirale nocturne", en raison des tourbillons multicolores de cette fleur sur ses pétales sombres. Les scientifiques du gouvernement ont étudié la plante mais ont eu du mal à la cultiver et, Oso II étant interdit, il était hors de question d'y retourner pour comprendre son environnement naturel. Au lieu de cela, les scientifiques ont croisé la plante en utilisant une variété de techniques, y compris la greffe et la modification génétique, pour découvrir qu'une variante produisait des graines contenant des alcaloïdes. Des recherches sur la puissance médicinale et les effets intoxicants de ces graines ont été menées, mais elles restent hautement confidentielles. Pourtant, à un moment donné du processus, quelqu'un en a compris le potentiel et des échantillons de graines disparurent d'un centre de recherche.

La rumeur d'un nouvel opioïde injectable appelé NightNight s’est répandit à la fin de l'année 2867. Il a rapidement acquis la réputation d'être la drogue à la mode, disponible uniquement pour l'ultra-élite ayant des relations avec la pègre. La popularité de la NightNight n'a fait que croître lorsque la rumeur s'est répandue que le puissant opioïde ne créait pas de dépendance. Bien que cette rumeur se soit révélée tragiquement fausse, on pense que la plupart des premiers utilisateurs ont évité de devenir dépendant de la drogue en raison de sa disponibilité limitée et exclusive.

Alors que la demande montait en flèche, la production ne suivait pas. Les nouvelles plantes produisaient relativement peu de graines et le processus de fabrication de la NightNight était devenu coûteux, long et extrêmement méticuleux. On pense que des chimistes clandestins travaillèrent pendant des années sur une version entièrement synthétique de la NightNight et perfectionnèrent le processus de fabrication. Si l'on en croit les histoires, le chimiste qui a découvert la formule a vendu le secret à un prix exorbitant à plusieurs gangs à peu près à la même époque, puis il a disparu. Le procédé de fabrication s’est rapidement répandu dans l'UEE en l'espace d'un an.



THE DARK WEB

La première version synthétique de la NightNight a fait son chemin dans la frange des privilégiés de la société. Désormais facile et rapide à produire, la portée de la drogue s'est rapidement étendue à ceux qui voulaient absolument l'essayer mais ne pouvaient pas l'acquérir. Bien sûr, peu de gens savaient que la version pour laquelle ils payaient le prix fort était entièrement synthétique et ne ressemblait pas du tout à la drogue originale. La disponibilité de la drogue augmenta, tout comme les taux de consommation. Ce qui était autrefois une habitude mensuelle pour une élite est soudainement devenue une habitude quotidienne pour un pourcentage croissant de la population. Il n'a pas fallu longtemps pour que les répercussions de la surconsommation de cette variante synthétique deviennent évidentes. La gravité de la dépendance fut mise en évidence publiquement suite aux problèmes de santé Khali O'Brien, une célébrité de l’époque qui fit les gros titres en 2880. Des amis d'O'Brien avaient fait part à la presse de leur inquiétude concernant sa perte de poids soudaine et spectaculaire et l'apparition choquante de veines noires sur son cou. Les paparazzi traquaient ses moindres faits et gestes et, après que des couches d'anticernes aient échoué à cacher la noirceur des veines, O'Brien commença à porter des écharpes et des cols roulés noirs. Cela incita un chroniqueur à potins à la surnommer la "Veuve noire", un terme évocateur qui est resté car des motifs noirs ressemblant à une toile d'araignée sont apparus sur de plus en plus de consommateurs. Cet état et la nature totalement synthétique de la drogue ont incité les autorités gouvernementales à la classer séparément sous le nom de WiDoW pour la distinguer de sa version antérieure non synthétique, la majuscule inhabituelle provenant des forums du Spectrum et de l’abréviation pour cette drogue : "WDW".

Malgré des effets indésirables évidents et des taux d'accoutumance qui montaient en flèche, de nombreux utilisateurs de la fin du 29ème siècle croyaient encore que la WiDoW était relativement sûr par rapport aux autres opioïdes. Cette fausse conviction, ainsi que la grande disponibilité de la drogue, ont conduit le gouvernement de l'UEE à déclarer la WiDoW comme "l'un des problèmes de santé publique les plus importants du 30ème siècle" et à le désigner comme un stupéfiant de Classe A. Bien que des milliards de crédits aient été investis dans des campagnes d'information à l'échelle de l'Empire, dans des centres de désintoxication, dans des services de conseil en matière de dépendance, etc., la WiDoW reste toujours aussi populaire et rentable que jamais ; un destin que les experts en matière de drogues pensent ne pas pouvoir changer à moins que quelque chose de radical ne se produise sur le plan culturel, économique et politique.



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